Économie solidaire

Cette perspective s’est imposée avant la crise « économique » dès les années 1970 quand une crise « culturelle » a manifesté l’essoufflement de l’idéologie du progrès. Alimenté par les questions soulevées par de nombreux mouvements sociaux (de l’écologie au féminisme et à l’alter mondialisme…) l’économie solidaire peut être définie comme l’ensemble des activités contribuant à démocratiser l’économie par des engagements citoyens. Ainsi elle est plus une résurgence qu’une émergence puisqu’elle réactualise les principes de l’associationnisme pionnier de la première moitié du dix-neuvième siècle. Cette réflexion sur les origines, croisées avec les problématiques contemporaines, débouche sur une interprétation renouvelée des initiatives, qui ne sont pas seulement économiques mais aussi politiques. La principale démarcation par rapport à l’économie sociale consiste à considérer l’économie solidaire comme relevant du domaine public. Il ne s’agit pas d’organisations privées mais d’initiatives citoyennes revendiquant une action publique. Dans cette logique, la sphère politique est appréhendée comme l’articulation entre l’action des pouvoirs publics et l’action collective relevant de l’expression dans des espaces publics et continuelle reformulation. Les initiatives participent de la formulation des problèmes publics et ce rôle est tout aussi constitutif de leur identité que celui d’organisation productive.
La réaffirmation de la dimension politique se double en l’occurrence d’un questionnement sur la dimension économique. De ce point de vue, l’économie solidaire prend appui sur la mise en cause par Polanyi du sophisme économiciste qui confond économie et marché comme sur sa distinction entre économie formelle orthodoxe et économie substantive. Cette dernière reconnaît la pluralité des principes économiques, le marché étant complété et corrigé par la redistribution publique (fondée sur des prélèvements effectués à partir de règles édictées par la démocratie représentative) et privée (philanthropique) par la réciprocité (fondée sur l’acceptation de liens d’interdépendance) et par le partage domestique (fondée sur l’appartenance à la même famille). Tous ces principes présentent des opportunités et des risques mais les activités peuvent être envisagées par leur combinaison plutôt que référées au seul marché. Ainsi l’économie solidaire ajoute à la pluralité des types d’entreprises mises en lumière par l’économie sociale, la pluralité des principes économiques dans laquelle l’hybridation peut être mobilisée pour réaliser les projets collectifs. En somme, l’économie solidaire ouvre à de nouvelles conceptualisations en termes de démocratie et d’économie plurielles.
L’économie solidaire s’inscrit dans le prolongement de l’économie sociale mais n’est pas contrairement à ce que véhiculent certains clichés une économie d’insertion dédiée aux plus défavorisés.

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Jean-Louis Laville

Jean-Louis Laville est professeur du Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris (Cnam), où il est titulaire de la Chaire « Économie Solidaire ». Il est également chercheur au Lise (Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique, CNRS-Cnam), à l’IFRIS (Institut Francilien Recherche Innovation Société) et au Collège d’études mondiales – Fondation Maison des Sciences de l’Homme où il dirige le programme d’études « Démocratie et économie plurielles ».
Impliqué dans de nombreux réseaux de recherche internationaux, il est membre du conseil d’administration du Karl Polanyi Institute of Political Economy, membre fondateur du réseau européen EMES (qui étudie l’économie solidaire, l’économie sociale, le tiers secteur, l’entreprise sociale) et du réseau sud-américain RILESS (Réseau de Chercheurs Latino-américains sur l’Économie Sociale et Solidaire).
Il est régulièrement invité dans plusieurs universités (Barcelone, Buenos Aires, Quito, Louvain-la-Neuve, Porto Alegre, Salvador de Bahia…) et est associé à des laboratoires de recherche étrangers tels que le CRIDIS (Centre de Recherche Interdisciplinaire, Louvain-la-Neuve) et le CRISES (Centre de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Humaines et Sociales, Montréal).